À Angers, le choc des automates percute la vie des gens

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À Angers, le choc des automates percute la vie des gens

À Angers, l’ouverture le dimanche d’un hypermarché sans caissier a suscité la colère de Gilets Jaunes venus bloquer le magasin. Cette réaction viscérale est un pavé dans la mare. Alors que les grandes zones urbaines sont habituées à ce mode de fonctionnement, les villes moyennes semblent découvrir le rythme de vie de l’autre France.

Certaines images de la France contemporaine étonnent. Alors que, dans nombre d’hypermarchés à Paris ou dans sa proche banlieue, la pratique de l’ouverture le dimanche après-midi avec des caisses automatiques est courante et ne surprend personne, elle a suscité de fortes tensions à Angers. Il n’en fallait pas plus pour illustrer de façon éclatante la différence qui se creuse entre le mode de vie des grands centres urbains, et celui des villes moyennes où des « acquis sociaux » sont intacts.

Dans cette image, on trouve tout le malaise français contemporain: la question de l’ouverture du dimanche sans justification touristique particulière, mais aussi la disparition progressive de ces emplois à faible valeur ajoutée, leur remplacement par des machines, et, au-delà de ces paramètres économiques, le sentiment que nos provinces traditionnelles commencent à être percutées de plein fouet par la révolution numérique et la mondialisation. Insensiblement, notre mode de vie historique, déjà beaucoup transformé à l’époque des Trente Glorieuses, subit une nouvelle mutation dont les contours n’apparaissent qu’à l’occasion de ce genre d’événement.

Inévitable progrès technique

Évidemment, l’envie nous vient aussitôt de dire que la France ne pourra pas éternellement lutter contre le progrès technologique. L’arrivée de caisses sans caissières est une réalité qu’on peut conjurer quelque temps, mais c’est un combat perdu d’avance. Il est d’autant plus perdu que le travail coûte cher, en France, et qu’il devient rare. Alors pourquoi un entrepreneur ferait-il appel à des humains quand des machines sans défaut peuvent les remplacer.

Au demeurant, faut-il vraiment regretter la disparition progressive des caissières de supermarché? Ces prolétaires des temps modernes exerçaient (et exercent encore, pour beaucoup d’entre elles) un métier ingrat, difficile, avec des rythmes éprouvants et des tâches dont l’intérêt est aussi limité que répétitif. La conscience ouvrière a longtemps été marquée par le portrait du mineur de fond, ou par celui de l’ouvrier à la chaîne. Mais la caissière occupe une place au moins égale à cette espèce de bestiaire de l’ère industrielle. Que ces postes pénibles soient occupés par des machines plutôt que par des humains n’a rien de choquant sur le principe.

Certains accusent la robotisation de créer du chômage. Au nom de l’emploi, il faudrait préserver des caissiers et des caissières. Là encore, les chiffres démontrent que les pays les plus robotisés dans le monde sont ceux où le plein emploi règne en maître. On en conclura que le chômage en France s’explique plus par un manque de recours aux robots que l’inverse.

Prendre en compte l’inquiétude française

Faut-il pour autant ne pas entendre l’angoisse exprimée par les manifestants angevins dimanche dernier? Faut-il faire comme si la peur du progrès technologique n’existait pas et ne suscitait pas de profonde résistance?

Ce serait évidemment une erreur d’interprétation, commise par la majorité présidentielle depuis son arrivée au pouvoir, que de faire la sourde oreille. Dans la pratique, une part importante du pays s’imaginait épargnée par la mondialisation et pensait que, pour vivre heureuse, il lui fallait vivre cachée.

Cette France-là est en train de déchanter. Même dans les provinces, mêmes dans les campagnes, la mondialisation fera son oeuvre et bousculera les modes de vie traditionnels. Même dans les endroits où l’on imaginait que jamais le dimanche ne serait un jour ouvré, des hypermarchés s’organisent pour que les clients puissent acheter chaque jour leur pitance.

L’inquiétude créée par cette propagation doit être adressée. Les pouvoirs publics doivent ici faire leur oeuvre et éclairer la route. Comment faire évoluer les compétences de chacun? Comment garantir un avenir à ceux qui craignent de ne pas en avoir?

Loin des questions macro-économiques ou écologiques qui se déroulent parfois de l’autre côté de la planète, la France périphérique, pour reprendre cette expression désormais consacrée, a besoin que les élites s’adressent à elle et lui expliquent quelles solutions sont possibles pour permettre à chacun de traverser indemne le gué qui s’annonce plus ardu qu’on ne l’imaginait. Cette oeuvre politique sera, quoi qu’il arrive, un préalable indispensable aux sujets climatiques. Tant qu’ils ne seront pas pris en compte, les problèmes du reste de la planète seront inaudibles.

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